Autofabricantes, des solutions inclusives pour les prothèses des enfants

Autofabricantes est un projet de recherche collectif qui vise à générer des solutions alternatives et accessibles en open source pour autonomiser les enfants ayant une malformation réductionnelle. L’organisation aspire à un monde où l’inclusion est enfin une réalité.

Depuis quelques années, de plus en plus d’approches thérapeutiques innovantes s’orientent sur la capacité de progrès du patient, non pas en vue d’un retour à la normale, mais plutôt pour le réinscrire dans son projet de vie. Dès lors, s’adapter et s’autogérer deviennent les piliers d’une thérapie réussie. Pourtant, de nombreux domaines du soin sont encore trop unidirectionnels, à l’image du secteur orthopédique. 

 Très peu d’investissement en R&D ont été consacrés au développement de prothèses moins intrusives et plus utiles aux personnes ayant une malformation. Les besoins des utilisateurs, très spécifiques à chacun d’eux, ne sont pas pris en considération. Cette problématique laisse place à une offre très standardisée : le catalogue des aides orthopédiques du système de santé public espagnol n’a pas été mis à jour depuis l’an 2000. On estime ainsi que plus de 50% des prothèses traditionnelles restent inutilisées en raison des difficultés rencontrées, sans compter les familles à qui le système n’a pas pu proposer de solution et accompagnement.

 Les prothèses sont également très chères. En Espagne, les coûts varient entre 2 000 et 20 000 euros alors que le système de santé publique a des ressources limitées pour couvrir la demande des 88 000 personnes qui en ont besoin.

 Ces problèmes concernent d’autant plus les enfants qu’ils indiquent se sentir comme de simples bénéficiaires d’une solution médicale, renforçant ainsi l’idée qu’ils sont différents des autres. L’exclusion sociale et la baisse d’estime de soi sont ainsi exacerbées plutôt que résolues.

 Ce sont toutes ces raisons qui ont poussé le Fellow Ashoka Fran Díaz a créé Autofabricantes. Par son initiative, il renverse ces problèmes en mettant le patient au centre du processus de création.

 

Fran s’appuie sur une communauté de bénévoles experts qui travaillent ensemble pour co-créer des solutions orthopédiques accessibles. Il rassemble ainsi des bénévoles ingénieurs, designers, thérapeutes ou encore kinésithérapeutes. Il développe également des relations avec des ONG axées sur la diversité fonctionnelle chez les enfants pour définir les projets et lancer des appels aux patients intéressés.

 Le processus commence alors par un atelier au cours duquel l’équipe de co-création rencontre les familles et les enfants pour entendre leurs besoins. Les patients sont donc au cœur de la conversation qui débouche sur des solutions pratiques, personnalisées et évolutives. Pour de nombreux enfants, c’est la première fois qu’ils considèrent leur diversité sous le prisme de l’autonomie, de la responsabilisation et du contrôle de leurs propres besoins.

 Ces ateliers ont lieu tous les 3 ou 4 mois et chacun d’entre eux débouche sur des solutions qui seront présentées aux familles et testées sur les enfants. Un suivi régulier est assuré auprès des enfants et de leur famille afin de déterminer si les solutions sont toujours efficaces et si l’impact qu’elles ont sur le bien-être émotionnel et physique de l’enfant est positif. 

 

 Autofabricantes a déjà créé plus de 20 prothèses testées et approuvées. Par l’impression 3D, les conceptions sont peu coûteuses, et surtout, accessibles. Elles ont toutes été mises en ligne et téléchargées plus de 2 000 fois dans le monde entier. 

 Les résultats du projet montrent que les enfants mettent moins d’une semaine à maîtriser leur nouvelle prothèse. Six mois plus tard, 100% d’entre eux continuent à l’utiliser et 95% déclarent avoir une meilleure estime de soi et une meilleure intégration sociale. 

 Après avoir mesuré l’impact de son travail, Fran s’efforce maintenant d’obtenir une validation médicale pour homologuer ses produits et être inclus dans le catalogue des aides orthopédiques. Pour y parvenir, il a lancé un programme de doctorat qui devrait prouver les avantages de son modèle en matière de santé et de bien-être. Il a également développé un projet pilote main dans la main avec l’hôpital de la Corogne.

 En parallèle, Fran a convaincu des universités de s’engager dans le projet en introduisant leurs étudiants en design dans sa communauté. La méthodologie d’Autofabricantes est désormais en passe d’être intégrée à un diplôme de design de l’université publique de Barcelone, avec l’objectif d’inclure le design centré sur le patient comme module dans tous les diplômes de design de produits. Cela devrait entraîner un changement de mentalité à moyen terme. 

 Grâce à tous ces efforts, les principales entreprises orthopédiques commencent à reconsidérer leur approche du design et à actualiser leurs processus.

Enfin, l’approche d’Autofabricantes est d’offrir sa méthodologie aux organisations spécialisées déjà sur le terrain pour qu’elles s’en emparent, l’implémentent, et multiplient ainsi le nombre de bénéficiaires. A cette fin, Fran suit un processus de recherche strict, axé sur l’open source. Il a aboutit à une méthodologie de mise à l’échelle qui permet de reproduire le projet avec un minimum d’instructions couvrant les trois domaines clés suivants : le réseau de partenaires et de bénévoles nécessaire, la manière de développer le processus d’écoute pour comprendre les besoins sous-jacents des patients et les spécificités des conceptions et des matériaux utilisés. Ainsi, sa méthodologie a déjà été reproduite dans trois régions différentes d’Espagne et a été exportée en Colombie, en Italie, au Brésil, au Maroc et en Uruguay.