Isabelle Delorme est Docteure en histoire, spécialisée en histoire culturelle et visuelle. Agrégée et enseignante à Sciences Po, Isabelle Delorme propose une cartographie organisationnelle du système français en matière d’intégration des réfugiés de l’Ukraine. Sa recherche s’intéresse à la mobilisation inédite des acteurs français, à la mise en commun de leurs ressources et à leur capacité de créer de nouvelles cellules de gestion plus centralisée et efficace pour assurer le respect des droits et obligations des réfugiés en France. Une recherche qui permet de clarifier l’ensemble des acteurs impliqués et d’inspirer dans l’accueil de tous les réfugiés.
La recherche s’inscrit dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 et de l’exil massif de populations de l’Ukraine vers l’Europe. Une situation exceptionnelle, dans l’histoire des vagues de réfugiés arrivés en France depuis 1945, dont les mesures sont sans commune mesure de par la protection temporaire dont ils disposent, activée pour la première fois en mars 2022 . Même si proportionnellement, la France n’étant pas un pays voisin de l’Ukraine et ayant une diaspora ukrainienne réduite, aurait accueilli 110 000 réfugiés depuis le début du conflit, est en nombre l’un des pays de l’Union Européenne accueillant le moins de réfugiés ukrainiens. En mai 2024, Ils ne seraient plus que 61 900 personnes (Sources Eurostat), principalement des femmes et des enfants.
La France, dès le début du conflit, a rapidement compris l’enjeu et l’importance d’agir efficacement et de manière collective afin de préparer au mieux l’arrivée des réfugiés de l’Ukraine. Son travail met en lumière l’importance de recenser tous les acteurs qui sont impliqués pour mieux connaître leurs environnements, leurs natures et leurs fonctionnements et donc permettre aussi une réflexion sur leurs trajectoires et leurs évolutions. Une cartographie devant aider à comprendre la complexité du système d’accueil et inspirer les pratiques de l’aide et de l’action sociale pour plus d’efficacité et pour tous les réfugiés.
Résultats scientifiques
La recherche rend compte de l’investissement sans précédent des acteurs humanitaires et sociaux pour une intégration optimale des réfugiés ukrainiens en France
Six catégories principales d’acteurs se dégagent. En premier lieu, l’État français a facilité l’application du statut européen de protection temporaire en France valable jusqu’au 3 mars 2025. Également la mise en place d’un dispositif de cellule interministérielle de crise (CIC) afin de faciliter la coordination des efforts.
On retrouve également les collectivités territoriales ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les acteurs institutionnels en rapport étroit avec l’État français comme l’Office Français de l’immigration et de l’intégration (OFII), l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), les acteurs structurés de façon formelle en dehors de l’État Français (comme le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), les associations, les fondations, les entreprises, etc. ) et la diaspora ukrainienne environ à 17 000 personnes qui ont également joué un rôle clé. Enfin, les citoyens, seuls ou en réseaux, qui ont été indispensables pour permettre l’accès à l’hébergement, avec plus de 40% des solutions fournies grâce à eux.
Parmi ces catégories, l’État français se distingue par sa forte mobilisation, sa capacité de mobilisation de ressources et sa capacité à avoir pu créer une collaboration intersectorielle unique qui pourrait servir de modèle en matière de gestion de crise et d’accueil pour l’ensemble des exilés et des réfugiés en France.
Importance de l’interconnection entre les différents acteurs :
En raison de son intensité et parce qu’ elle affecte plusieurs secteurs ministériels, la guerre en Ukraine a nécessité la mise en œuvre d’une réponse globale et concertée de l’État. L’interconnection ainsi que la coordination des acteurs ont été indispensables et la Cellule Interministérielle de Crise mise en place par le Premier Ministre, a été un élément majeur pour favoriser la coordination.
Déploiement et potentiel impact d’utilité sociale
La recherche recommande la création d’un carnet d’adresses concernant les nombreux acteurs mentionnés. Ce carnet ferait l’objet de mises à jour régulières afin de s’assurer de la réactivité des structures en cas de besoin. In fine, la question d’uniformisation de cette mobilisation et du système d’accueil des réfugiés ukrainiens, sous la forme de cellule de crise, pourrait être pensée pour l’ensemble des réfugiés arrivant sur le territoire français. Des cellules qui réuniraient différents types d’acteurs de manière coordonnée avec des réunions fréquentes et des missions bien identifiées alignées avec les besoins des réfugiés. Réactivité, créativité et redevabilité, l’accueil des réfugiés en provenance d’Ukraine doit permettre aux organisations de penser le système, pour s’en saisir et inspirer l’innovation sociale. À l’échelle de la Croix-Rouge française, des sociétés nationales ou encore des unités locales, il pourrait s’agir de développer des outils de coordination et donc de communication en temps réel (comme une plateforme permettant la fluidité des informations et des ressources) réunissant plusieurs personnes et acteurs clés.
En savoir plus sur le projet de recherche d’Isabelle Delorme ici.